Les années avancent mais au final est-ce que les choses changent vraiment ? Les enfants sont des monstres quand il s’agit de faire souffrir d’autres enfants surtout dans un univers scolaire. J’ai été harcelé en primaire pendant presque deux ans. 30 ans plus tard, mon fils est également harcelé en primaire pour des raisons quasiment similaires et ça me fait mal au cœur. Quand il m’a expliqué ce qui se passait, ça a rouvert une blessure que j’avais en mois depuis si longtemps.
Moi, 30 ans plus tôt.
Tout à commencé lorsque j’étais en CM1. J’habitais à l’époque dans un petit village de campagne où il y avait plus de vaches que d’habitants. Tout le monde se connaissait, les rumeurs allaient vite dans le village mais là n’était pas le problème. Simplement vous pouvez appliquer tous les clichés des gens de la campagne et c’était justifié : personnes rustres, pas forcément très ouvert d’esprit, pas très moderne, etc. vous voyez le tableau.
Moi de mon côté, j’avais l’esprit vif, je faisais partie des meilleurs de la classe. A l’époque j’étais un peu dans mon monde et j’aimais déjà les jeux vidéos quand la plupart des autres enfants ne voulaient que se balader en vélo, grimper dans les arbres et faire exploser des trucs avec des pétards. A cela, vous pouvez rajouter que j’avais un physique filiforme, fin comme brindille et musclé comme un flan aux pruneaux, ça n’aidait pas non plus pour se faire des amis.
Bref, J’étais juste mis un peu mis à l’écart et donc j’étais un peu solitaire, je ne sais pas lequel des deux est la cause ou la conséquence mais en tout cas j’en étais là : J’étais le « weird guy » de la classe mais ce n’était pas bien méchant. Pour le moment.
Les choses ont empiré drastiquement pour une putain de connerie. Une erreur. Un malentendu.
Lorsque soudain, c’est le drame…
C’était un jour de piscine à l’école. Et moi, la piscine je kiffe à mort. Sauf que mon corps ne l’aime pas vraiment : j’ai un souci d’oreille interne et je m’étais fait opérer des oreilles et des végétations pour endiguer mes otites chroniques et mon asthme. En l’occurrence ça allait beaucoup mieux mais à cause de ça je ne peux pas mettre ma tête dans l’eau sinon elle me rentre derrière le tympan et après c’est l’enfer. Le seul moyen pour moi de ne pas souffrir est d’utiliser des boules quies en cire pour rendre mes oreilles hermétiques. Sauf que forcément, j’entends BEAUCOUP moins bien ce qui se passe autour.
Bref, revenons à nos moutons, ou plutôt à nos poissons en l’occurrence car avec les autres élèves de ma classe, nous sommes tous dans le petit bain à gentiment s’amuser pendant que les maîtres nageurs étaient en train de préparer les jeux dans le grand bain. Forcément j’étais un peu tête en l’air à faire le pitre dans l’eau et surtout sous l’eau.
Soudain j’entends vaguement le maître nageur principal qui gueule un truc mais je suis incapable de savoir quoi. Alors je me retourne et je vois plein d’enfants sortir de l’eau du petit bain et se diriger vers le grand bain. Sachant qu’il n’y aurait pas assez de jouets d’eau dans le grand bain pour tout le monde, je me suis moi aussi extirpé de l’eau et j’ai sauté le plus rapidement possible dans le grand bain puis je m’agrippe à un grand tapis flottant, qui était pour nous tous une sorte de saint Graal à l’époque vu comment on pouvait s’amuser avec.
Sauf qu’au même moment je vois une camarade de classe qui m’agrippe le bras et qui me gueule dessus « qu’est-ce que tu fais ? », incrédule je lui répond que je veux jouer avec donc je prends le tapis. Elle me regarde avec des yeux ronds et me gueule dessus « lâche ça, c’est pas pour toi ! va-t’en ! ». Je pige pas et je veux surtout pas lâcher le tapis. Et elle se met à hurler.
Dans la demi-seconde qui suit, j’entends le sifflet du maître nageur qui me pointe du doigt en hurlant aussi :
Bah alors ? Qu’est ce que tu fous ? J’ai dit « les filles seulement ». T’es une fille c’est ça ? C’est pour ça que t’as sauté dans l’eau ? Allez, dégage de là tu rentreras en dernier dans l’eau !
Hilarité générale de toute la classe. Avec tous les gamins qui me montrent du doigt et se moquent de moi.
Ça y est j’ai compris ce qui s’est passé. Je n’ai pas entendu, j’ai sauté dans l’eau… Putain c’est con. Aussi je lui rétorque que je ne l’ai pas entendu avec mes boules quies mais il me répond qu’il en a rien à foutre.
Je sors penaud du grand bain, je retourne dans le petit bain et c’est là que les choses ont commencé. Quelques camarades ont commencé à me dire « bah alors ? T’es une fille ou bien ? ». J’avais pas la répartie que j’ai maintenant et j’étais tellement honteux que je n’ai pas répondu.
A l’époque je pensais que ça allait passer et qu’il fallait juste faire profile bas. Quelle erreur !
Les autres camarades de classe ont commencé à blaguer sur le sujet en me traitant de fille, de femmelette, de ne rien avoir entre les jambes, etc. Et moi je ne savais pas comment réagir. Comme il voyait que ça me faisait chier ils ont continué, tous les jours à me donner des surnoms, à chaque truc que je faisais c’était des remarques désobligeantes. Et disons que comme nous étions au début des années 90, les blagues misogynes étaient monnaie courante, même à la TV. Forcément ils baignaient dans ça alors ça rendait les choses faciles voir légitimes pour eux.
Je savais que je ne pouvais pas m’énerver et me défendre physiquement parce qu’ils étaient 25 et que j’étais tout seul et que vu mon gabarit, j’aurais pas tenu 5 secondes face à n’importe qui d’autre. Aussi j’ai commencé à réfléchir à comment je pouvais me sortir de ce pas. Le truc c’est que dans une école de campagne, t’as pas de moyen d’échapper de tes harceleurs : pas de CDI, la cours est toute petite avec aucun moyen de s’isoler… Et quand une fois j’en ai eu marre et que j’ai voulu rester dans la salle de classe au lieu d’aller à la récré, la prof m’a simplement dit « allez oust, moi aussi j’ai besoin de pause, va t’amuser avec tes petits camarades ». Elle n’a même pas cherché à savoir pourquoi je ne voulais pas sortir et pourquoi j’avais les larmes aux yeux.
Et à cette époque, on n’en parle pas à ses professeurs. Parce que j’ai essayé de leur expliquer en mode « les autres se moquent de moi ». Et la réponse que j’ai eu c’était un truc du style « tu sais la vie c’est difficile, il faut faire face ». Va essayer de construire quelque chose avec ça. Le pire ? En classe un élève avait fait une énième remarque à mon égard et la prof, au lieu de couper court à cela, s’était mise à rire avec les autres. Quand même ta prof se fout de ta gueule sur ce sujet, promis t’as juste envie de creuser un trou et te foutre dedans.
Alors il me restait quoi comme option ? Mes parents. Sauf qu’ à la maison, mes parents ne sont absolument pas là pour moi. Mes deux parents travaillent dur, sont aimants mais pas du tout intéressés par ma personne. Si bien que je suis aussi très seul à la maison et je dois très vite devenir indépendant et me débrouiller par moi-même. Je n’ai jamais pu leur parler de ce harcèlement tout simplement parce que je ne savais pas comment aborder le sujet et être pris au sérieux.
Ne pouvant pas me cacher, ne pouvant en parler à un adulte, j’ai fini par faire deux choses qui m’ont permis de m’en sortir : 1) m’isoler et former une carapace autour de moi pour me protéger et 2) au lieu de m’énerver quand on se moque de moi, je faisais l’inverse, je me moquais de moi même avec eux, je renchérissais avec dans l’idée que s’ils voyaient que ça me faisait rien, ben ils finiraient par laisser tomber parce que ça ne serait plus drôle du tout.
Sauf que c’est exactement l’inverse qui s’est passé. En fait ils ont appliqué la devise Shadok suivante :
Au lieu de les dégoûter, ça les a renforcés dans l’idée qu’il fallait être encore plus violent pour que ça m’affecte. Et certains de la classe étaient bien content que je sois devenu le souffre douleur car au moins eux, on les laissait tranquilles maintenant.
J’ai donc eu le droit aux brimades mais aussi aux dégradations matérielles (cahiers déchirés, affaires volées, encre versée dans mon cartable, etc.) puis après des crasses physiques (punaises sur ma chaise, boulette de papier enduit de molard dans mon casier, etc.).
J’ai serré les dents pendant près d’un an et demi à en prendre plein la gueule dans tous les sens. Je n’ai jamais réellement eu de soutien. J’ai fini par me réfugier aux récréations dans les élèves des classes inférieures parce que eux au moins ne me faisait pas chier, juste ils n’en avaient rien à foutre de moi et me laissaient de côté. Au moins personne essayait de me faire chier au final.
Le dernier truc qui m’a fait tenir c’est les cours. Je me suis réfugié dedans car c’était quelque chose d’important pour moi. Être intelligent et prouver que je valais mieux que tous ceux qui me harcelaient. Résultat, je bossais dur, tout le temps et j’ai fini par être le premier de la classe partout. Ça énervait encore plus les autres élèves mais au moins j’étais un poil couvert par la prof qui voyait juste des enfants jaloux. Par contre pour tout le côté “t’es une fille, etc.” elle a jamais bouger le petit doigt.
In the end (it does not even matter)
Après cela je suis rentré au collège et là tout à changé. Personne ne me connaissait, dans ma classe seulement une personne était avec moi en primaire et rapidement je lui ai fait comprendre qu’il fallait passer à autre chose. Et comme on a grandi et mûrit, finalement on est effectivement passé à autre chose.
Sauf que tu ne te débarrasses pas comme ça d’un an et demi de harcèlement et donc, j’ai eu du mal avec les relations sociales, toujours peur de faire ou dire un truc qui pourrait être mal interprété et que la personne pourrait utiliser contre moi pour se moquer.
J’étais encore une fois ce « weird guy » parce que légèrement asocial. Cependant j’ai eu la chance de rencontrer 3 personnes dans ma classe qui, comme moi, étaient un peu socially akward mais qui avaient une énorme passion pour les jeux vidéos. Le courant est bien passé et on est resté tous les 4 pendant 4 ans ensemble. C’était cool et bien qu’il y ait eu quelques brimades parce qu’on était les « nerd guys » (avant l’heure hein on était dans la fin des années 90), on s’en foutait royalement.
Tout ça pour dire que j’en ai quand même tiré du positif. Ça m’a permis de m’endurcir moralement. Ça m’a aidé à me forger un caractère. Après, cela m’a beaucoup affecté et j’en garde encore des séquelles car ma confiance en moi est sacrément ébranlée. A cela il faut rajouter une insécurité sociale qui fait que j’ai encore aujourd’hui du mal à regarder les gens dans les yeux quand je leur parle de peur de me faire juger, que j’ai encore du mal à lire les gens… Ce qui fait également que les gens me trouvent blasé, que je fais toujours la gueule ou bien que je m’en fous d’eux de par mon comportement quand je leur parle.
Désolé, c’est tout à fait faux, juste que je ne sais pas le montrer à cause de tout ça. J’aimerai juste que vous puissiez le comprendre mais j’ai encore du mal à en parler. Je n’en veux à personne de penser ça de moi mais j’ai beau faire des efforts, je me fais souvent rattraper par mon attitude, surtout lorsque je n’ai pas le moral. vous savez les flashbacks du vietnam tout ça. Ben pareil sauf que moi c’était la campagne normande.
Et tout ça parce que des gamins on été des monstres envers un autre enfant au point de le marquer à vie, sans réellement voir quel est le problème. « C’est qu’un jeu, c’est pas méchant ». Si c’est méchant. Et oui ça fait souffrir.
Comme le chantait BabyMetal : « Le harcèlement, non, jamais ». D’ailleurs je vous donne les paroles traduites parce que je l’ai découverte des années plus tard mais ça m’a mis tellement une claque à l’époque. J’aurais aimé avoir un foxgod pour m’aider à surmonter ces moments difficiles. J’avoue, j’ai pleuré quand je l’ai écoutée, vu le clip et compris les paroles.
Ce qui me fait le plus de mal c’est que tout cela n’est qu’un gros problème d’éducation. Les enfants ne sont pas foncièrement des monstres, ils reproduisent juste le schéma de ce qu’ils voient, de ce qu’ils subissent à la maison, à la télé, etc. Le vrai problème c’est donc plutôt à chercher au niveau des parents plus que des enfants mais j’y reviendrai un peu plus loin.
Les temps ont changé. Qu’est-ce qui a évolué ?
Et alors, est-ce que cela a changé avec le temps ? Oui en partie : On a pris conscience qu’il y avait du harcèlement violent partout dans nos écoles et j’ai souvenir qu’on avait eu des journées de sensibilisation au lycée et à la fac il y a 20 ans. Il y a des associations qui font des choses bien dans ce domaine et on essaye de préserver un peu nos enfants. Des rapports, des études et régulièrement des campagnes de prévention sont organisés. Au moins on ferme plus les yeux sur le phénomène.
Sauf qu’en fait non bien sûr que rien a changé et c’est même pire maintenant car entre temps on a découvert un truc génial qui s’appelle les réseaux sociaux. Ils sont devenus une caisse de résonance énorme surtout avec la société qui base tout sur le paraître. Il n’y a qu’à voir les modèles de perfections que l’on impose aux enfants dans la pub, dans la mode, etc. à une époque, pour un ado lambda, le but c’était d’avoir le plus de like ou de follow sur les réseaux sociaux, parce que comme ça on était quelqu’un, on existait, on était influent ! La course aux chiffres, la course aux clics..
Forcément ça entraîne des frictions entre les gens et ça exacerbe les comportements extrêmes : en allant plus loin que les autres, on attire plus de monde et plus de respect. Et couler un potentiel concurrent c’est s’assurer de rester devant les autres. Toujours le même schéma : s’attaquer aux plus faibles pour se sentir fort et se montrer fort face aux autres.
Dans une société où le moindre faux pas est sévèrement sanctionné. Où on peut devenir la cible de plusieurs milliers de personnes pour peu qu’un gros streamer, qu’un compte influent des réseaux sociaux ou quelque chose dans le genre te fasse passer pour un con où simplement disent du mal de toi à leur public et voilà, une horde est lancé contre toi et t’as aucun moyen de te défendre. GG WP NoRe.
Et je ne parle même pas de ce qui se passe en ce moment avec l’extrême droite décomplexée qui fait ouvertement la chasse aux LGBT+, aux étrangers et même plus basiquement aux femmes. Leur arme principale est le harcèlement (et la désinformation) afin de les pousser au suicide. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Wikipedia.
Enfin, l’anonymat des harceleurs renforce leur sentiment d’impunité pour mettre leur victime sous l’eau, allant encore une fois plus loin pour la faire craquer. « De toute façon elle ne mérite pas de vivre pas vrai ? Si elle se suicide c’est qu’elle méritait pas de vivre. »
Excusez moi je vais aller vomir et je reviens.
Bref, en 30 ans, les choses ont très certainement empiré, juste on a arrêté de se mettre des œillères et on voit plus facilement les cas d’enfants qui se suicident qu’avant.
C’est tout pour aujourd’hui ?
Il y a toujours des harceleurs et des harcelés tout simplement parce qu’on éduque pas nos enfants correctement et qu’on leur apprend la crainte de celui qui est différent plutôt que la tolérance. Ca fait un peu donneur de leçon dit comme ça mais je vais vous donner un exemple qui m’a particulièrement touché récemment puisqu’il s’agit de mon fils.
Nous allons l’appeler le Kebab en référence à ce que lorsqu’il est né, les sages femme l’ont mis sous une lampe chauffante qui ressemblait furieusement à un grill à kebab. Si on ajoute à cela le fait que quand je l’ai pris dans mes bras, il sentait une odeur particulière qui ressemblait beaucoup à l’odeur du kebab grillé… Bref, là n’est pas le propos, nous l’appellerons Kebab.
Kebab à 6 ans, il rentre au CP. C’est un garçon tout à fait ordinaire en apparence. Il est un bon élève, vif d’esprit et plutôt intelligent pour son âge. Nous l’avons toujours considéré comme une personne plutôt qu’un simple enfant et en conséquence, il a acquis pas mal d’autonomie et de jugeote.
Dans les faits, Kebab est un petit garçon un peu différent des autres dans le sens où il adore porter des robes. C’est son kiff, il aime porter des robes et quand on lui demande pourquoi, il dit qu’il aime ça parce que c’est joli et que ça tourne quand il tourne. Lors de notre mariage et de son baptême, il a insisté pour porter une robe. Nous lui en avons trouvé une très jolie qu’il a porté avec fierté.
Il aime également les vêtements de couleurs rose. Il a notamment choisi des chaussures roses en maternelle par exemple. Il aime également les leggins, etc. Si à cela on ajout le fait qu’il est métisse franco-asiatique et qu’il a hérité de mes traits fins, il est effectivement très proche physiquement d’une fille : visage fin et efféminé, cheveux qu’il souhaite garder long, morphologie svelte et élancée, etc.
Finalement lorsqu’il sort, quasiment systématiquement les gens le prennent pour une fille. Et comme il est un peu timide (c’est normal pour son âge) il n’ose pas dire que c’est un garçon. Alors certains commerçants du quartier sont persuadés depuis plusieurs années que c’est une fille.
Pourtant quand on lui demande si c’est un garçon ou une fille, il répond avec fermeté que c’est un garçon. Quand on explore un peu cela avec lui, cela ne fait aucun doute : dans sa tête il est convaincu qu’il est un garçon. Juste que c’est un garçon qui aime les choses qui sont « traditionnellement » des trucs qu’on associent aux filles.
Je mets des gros guillemets parce que justement c’est une construction sociale. Pourquoi les robes ça devrait être un truc de filles ? Les hommes devraient pouvoir porter des robes et ne pas être jugé pour cela. Sous quel prétexte il ne devraient pas pouvoir en porter ? Parce que ça les ferait devenir des filles et qu’ils seraient alors diminuées par je ne sais quel principe magique ?
Franchement, allez dire ça aux écossais qui portent un kilt.
Le fait que tel ou tel truc soit connoté fille ou garçon ne devrait absolument pas l’être et on ne devrait pas juger quelqu’un pour ses vêtements ou ses apparences. Cette personne est différente parce qu’elle aime des choses différentes ? Et alors. C’est son droit, en quoi toi tu devrais la juger et lui imposer ta vision de ce qu’il ou elle devrait porter. Nous sommes bien d’accord qu’il s’agit avant tout d’un souci de tolérance vis à vis des gens ? non ?
Mais revenons au harcèlement scolaire. Jusque là, le fait que Kebab soit mal genré n’était pas un souci. Sauf que les choses ont commencé à se compliquer avec son entrée en CP. Il nous a avoué que régulièrement, d’autres enfants (qui ne sont pas dans sa classe) venait le voir et l’embêtaient en lui demandant avec moquerie et insistance si c’était un garçon ou une fille et pourquoi il avait les cheveux longs et attachés comme une fille etc. Il leur répondait que c’était un garçon à chaque fois mais les autres enfants ne l’écoutaient pas et revenaient régulièrement l’embêter sur le sujet.
Nous avons donc décidé de lui en parler de manière plus sérieuse en lui expliquant pourquoi ces enfants étaient juste idiots et qu’il fallait les ignorer et aller chercher un adulte pour le lui expliquer. Mais qu’il ne devait pas se laisser faire et surtout ne pas être affecté par ce qu’ils pouvaient dire.
Les choses auraient pu en rester là sauf qu’un après-midi, en rentrant dans la classe, Kebab a découvert que quelqu’un s’était introduit dans la classe, avait fouillé son bureau, récupéré ses affaires et les a saccagées : Ses crayons de couleurs ont été cassées, ses feuilles avec ses dessins déchirées, sa pochette à feutre éventrée, ses affaires gribouillées.
Quand Kebab a vu cela, il a fondu en larmes et était inconsolable. Lui n’avait même pas conscience qu’un autre enfant pouvait lui en vouloir au point de lui abîmer ses affaires. Lui, à qui nous avons inculqué la tolérance, le respect des autres et de leurs affaires, il n’arrivait pas à concevoir qu’on puisse faire ce genre de chose à quelqu’un.
Heureusement, sa maîtresse a bien réagi et l’a pris à part pour le consoler et lui dire que c’était réparable et qu’au final rien n’avait d’importance dans ce qui a été détruit.
En revanche elle a essayé de savoir en demandant aux enfants que celui qui a fait ça se dénonce immédiatement ou à la fin des cours. Bien entendu aucun enfant n’a reconnu les faits et aucun enfant n’a été témoin.
La maîtresse a par la suite envoyé la photo des affaires détruites au groupe des parents de la classe du kebab en expliquant ce qui s’était passé et en demandant aux parents de discuter avec leur enfant pour essayer de savoir qui a fait le coup.
Après quelques jours, nous ne savons toujours pas qui a fait ça. Nous ne savons toujours pas non plus pourquoi. Est-ce que c’est de la jalousie parce qu’il est un très bon élève et un peu le « leader » de la classe ? Mais pourquoi lui et pas les deux ou trois autres élèves très en avance dans sa classe ? Est-ce que ça a un lien avec justement le fait qu’il s’habille « comme une fille » ? Est-ce que c’est parce qu’il est vu comme quelqu’un qui ne se défend pas trop et se laisse faire ? Est-ce qu’il aurait par mégarde fait du mal à quelqu’un et que ce serait une vengeance ?
Je pense que nous ne le saurons jamais.
Mais cela fait quand même poser la question au sujet du harcèlement scolaire et de sa forme. Quelle est la différence entre ce qui m’est arrivé et ce qui lui arrive ? Est-ce que j’ai le droit de me sentir énervé par ça et de vouloir le protéger pour qu’il ne subissent pas la même chose que moi ? Je ne suis certainement pas partiale mais cela me fait me poser beaucoup de questions liées à la tolérance et à l’éducation que certains parents donnent à leur enfants.
Mais il reste toujours un espoir
J’ai une foi infinie en l’humain. Même si parfois j’ai l’impression qu’on est qu’une civilisation égoïste individuellement et que le capitalisme glorifie l’individualisme au détriment du bien être commun, je suis profondément humaniste en me disant qu’il y a toujours un espoir pour que l’être humain s’améliore et que l’entraide, la tolérance et la fraternité reprenne le dessus. Parce qu’au fond de nous avant d’être Européen/arabe/asiatique/etc., noir/blanc/beurre/jaune, musulman/chrétien/juif/rastafari, ou quoi que ce soit, on est TOUS des humains.
Alors oui, je me dis que ma génération est déjà condamnée, on ne peut rien sauver pour elle, c’est trop tard, les habitudes, les mœurs, les croyances, etc. sont beaucoup trop ancrées en nous. Mais la génération de demain, elle est encore fraîche et innocente. On peut encore sauver les choses pour donner une planète avec des gens suffisamment intelligents et altruistes pour initier le changement et qu’ils ne subissent pas les mêmes choses que nous. Pour que ce soit mieux pour eux, c’est à nous de faire l’effort de leur apprendre les bonnes choses, de leurs donner les clefs pour avoir les bases. Après ils en feront ce qu’ils voudront mais au moins on pourrait collectivement faire ça et ne jamais laisser passer le moindre signe de harcèlement scolaire, le moindre signe d’intolérance, le moindre signe de haine de son prochain.
Je m’accroche à cet espoir car, tout comme ce blog, c’est un peu ce que je vais laisser comme trace dans le monde. Je veux être le changement que je veux voir arriver et je veux donner au Kebab les meilleures chances dans la vie.
Car j’aimerai que dans 20 ou 30 ans, il puisse dire à ses enfants « c’est votre grand père qui m’a appris ça et ça m’a beaucoup servi dans la vie ».
Et cet espoir, il est tangible. En effet, on a capté un Tweet d’un père d’un camarade du Kebab le soir même de l’incident. Et pour nous il est clair qu’un enfant de six ans est capable de comprendre le concept de tolérance. Et si un enfant de 6 ans est capable de comprendre, alors les adultes aussi. Alors on peut déconstruire les stéréotypes stupides et aider les gens à mieux vivre ensemble.
Tous ensemble.
Ça me rappelle en primaire, on avait un camarade de classe qui venait en tenue de sport violet/rose et je n’avais jamais vu quelqu’un lui faire une remarque, pour nous ce n’était pas gênant.
Le rose c’est fait pour les filles?
https://www.google.com/search?q=chemise+rose+homme
Hop, imprimez ça et demandez si c’est toujours pour les filles.
Et c’est en grattant qu’on découvre les problèmes en fait: le fait d’avoir un système où le but est de gérer l’économie et le capital au lieu de gérer l’humanité, forcément ça peut difficilement fonctionner: «Le pire des crimes dans ce pays, c’est de pas travailler» : https://twitter.com/MarxFanAccount/status/1458407631157071875
On pousse les gens à l’individualisme, à se battre les uns contre les autres pour survivre au lieu de lutter contre la véritable origine du problème: (un peu comme dans battle royale ou squid game). Même dans assassination classroom on voit ce problème.
« Nous vivons dans un monde où ceux qui gagnent 100 000 € par mois persuadent ceux qui en gagnent 1800 € que tout va mal à cause de ceux qui vivent avec 535 €. Et ça marche … » – Felix Lobo
Et ça marche, j’ai déjà entendu autour de moi: « oui mais j’ai travaillé pour gagner mon argent, alors que y’en a qui en touchent sans bosser ». Bah, y’a pleins d’actionnaires, propriétaires, rentiers qui touchent masse d’argent sans bosser ou en travaillant peu avec peu de responsabilités (je ne parle pas de tout le monde évidemment, des boulots très stressants et exténuants ça existe).
En fait, on est juste passé de la loi de la jungle, de la loi du plus fort, a la loi du plus connard, qui écrasera les autres pour s’en servir comme bouclier.
Et ça fonctionne: la personne honnête se fait bouffer par les personnes malhonnêtes.
Tiens d’ailleurs, j’avais trouvé un super site/jeu à ce sujet: https://ayowel.github.io/trust/
Très intéressant ton article l’ami, j’ai moi aussi été victime de harcèlement scolaire durant toute ma scolarité…
Certain ont du mal à me croire en me voyant maintenant mais j’ai quasiment vécu tout ce que tu décris ici : les coups, les insultes, les affaires volées ou cassées, me faire suivre jusque devant chez moi etc.
Seule notre approche face à l’adversité change car mes parents ont décidé de m’inscrire à un sport de combat car selon mon père : « faut que tu leur casse la gueule à ces morveux », ça c’était vers mes 7-8 ans.
Sauf que ça ne s’est pas fait en un jour, il a fallu que j’attende le collège, la 4eme précisément pour qu’un déclic s’opère : mon petit frère, lui aussi victime de harcèlement dans sa propre classe venait de me rejoindre dans le collège en 6eme, et il vient me voir un beau matin à la récré pour m’annoncer qu’il s’est fait humilier une énième fois par les 2 même FDP, et la mon sang n’a fait qu’un tour, j’en ai attrapé un et je lui ai mis la plus grosse branlée de sa vie scolaire, j’étais devenu quasiment inconscient de ce que je faisait tellement j’étais enragé mais je me souviendrai toute ma vie qu’il a pleuré devant son pote pétrifié pour de l’aide, et c’est peut être un peu sadique mais ça a été ma 1ere grosse satisfaction de faire le mal à mon tour par vengeance et ce sentiment de fierté d’avoir défendu mon frère et surtout d’avoir réussi à exploser un harceleur… j’te raconte pas le kiff…
Mais comme on dit après la pluie vient le beau temps mais en Normandie revient vite la pluie n’est-ce pas ? ce gentil petit harceleur a évidemment ébruité l’affaire et ses 2 frères au lycée se sont occupés de le venger à son tour
S’en est donc suivi une année de bagarre relativement régulière jusqu’à ce que ma mère nous change de collège pour un autre dans un quartier plus calme
ironie du sort, le collège dans lequel j’étais était collège privée catholique St Joseph, que mes parents payaient pour que leurs enfants puisse jouir de la tranquillité d’un collège bien coté…
et mon année de 3eme je la fait au collège de la Hève à Sainte-Adresse, petit collège de bourge local et devine quoi ? 1er jour le bully de l’école : « t’as une sale race toi »…
le soir même je le voit qui s’inscrit au même club de boxe que le mien… alors comme ça j’ai une sale race ?
la taule que je lui ai mis m’a valu les engueulade du prof mais c’est pas grave, c’était fini de se laisser faire, et le faire avec les gants valait mieux que le faire sans dans la cour de récré
j’ai aussi éclaté le fils de la CPE qui évidemment était une ordure profitant du poste de sa mère, ça par contre je l’ai payé :p
j’insiste sur le fait que j’ai jamais fait ça par plaisir et que 90% du temps j’ai attendu des semaines pour en arriver là…
arrive le Lycée et là on passe à un autre degré de violence : « Porte Océane, ou la découverte de la violence de quartier à l’école »
J’peux même pas te dire le nombre de fois où on m’a traité de sale français sale blanc, quand je dis « wah gros raciste » on me répond « lol connard faut être blanc pour être raciste »
Ouai c’est un peu compliqué aujourd’hui de parler de ça mais bon c’est arrivé et pas qu’une fois et pour ces gens là ça justifie de te prendre en grippe
J’me suis fait agressé dans le bus parce que j’me laissais pas faire, pissé dans le réservoir de ma moto plus tard, attendu par des mecs qui étaient pas de l’école à la sortie, on me lançais des boulons de chaise en cours etc… la chance que j’avais c’est que certains de ces branleurs étaient quand même plus intelligent et plus âgés que les autres et canalisaient le plus gros des dommages (oui parce que ça c’était pas violent en comparaison au possibles représailles) et le fait de savoir que je faisais du sport de combat ça les excitait encore plus, ça faisait des conversations du genre : « ah tu fais du kick ? vasy vient moi j’fais du kick de rue avec mes cousins on va t’arracher la tête sale bâtard », comme ça au détour d’une banale conversation, la grande classe quoi, se mettre à faire de Lan n’a pas aidé non plus car être geek en plus c’est la cerise sur le gâteau
J’peux te dire que dès que j’ai eu le BAC j’avais qu’une hâte c’était de trouver du boulot et à mort l’école, jamais une seule fois j’me suis plaint à un adulte du corps enseignant ou à mes parents, j’avais 0 confiance en l’école y compris pour me défendre parce que comme toi, les seules fois où j’ai voulu de l’aide on me répondait : « oh t’exagère » ou « t’as qu’a te défendre »
Aujourd’hui malgré tout ça je pense à tous les autres qui ont vécu pire où qui ne sont plus là pour en témoigner et j’me dis que j’m’en suis plutôt bien tiré parce que malgré tout moi j’ai une vie comme je voulais avec un bon taff et une famille, et eux ils sont toujours dans leur quartier de merde à parasiter la planète
Sache quand même que la blessure mentale de tout ça ne se refermera jamais, en témoigne encore l’état de mes nerfs quand j’écris ces lignes, le fait que j’en rêve encore parfois la nuit, ou que chaque confrontation physique ou verbale (que j’évite le plus possible aujourd’hui) me ramène aussitôt certains souvenirs de cette époque, tout ça m’a rendu un peu violent mentalement, parfois pour rien, toi et d’autre en savent quelque chose, c’est aussi je pense un mécanisme de protection…
Mais maintenant avec l’âge et les enfants je gère mieux ça, j’ai réussi à recentrer mes priorités et me focaliser sur ce qui m’apaise, j’ai changé de taff aussi ou forcément la tenue force de l’ordre c’était pas ce qu’il y avait de plus saint pour ma santé mentale :p
mais le spectre sera toujours là car encore une fois ironie du sort : les parents d’un des bully de primaire sont mes voisins lol… Ce qui fait que je le vois régulièrement (j’lai tapé lui aussi plus tard dans une soirée lycéenne j’étais ivre je l’ai provoqué intentionnellement, pas de quoi être fier hein :p) ainsi que son propre fils qui est dans l’école de mes enfants…
Et l’école en question est celle où mon frère et moi sommes allés… Et elle a à peine changée !
Comme tu dis heureusement qu’on avait pas les réseaux sociaux à cette époque parce que des moment j’étais limite psychologiquement mais avec ça en plus je sais pas comment je serais devenu…
Une autre différence qu’on a aussi c’est que moi je n’ai plus aucune confiance en l’humanité, je n’ai plus aucune empathie pour les autres hormis mes amis (dont tu fais parti) et ma famille pour qui je ferais toujours tout ce que je peux, je fuis les réseaux sociaux et j’attends avec un peu d’anxiété le jour où mes filles auront l’âge de les découvrir… comment leur dire non à notre époque ? comment les préparer à leur violence ? comment leur apprendre à se défendre ?
L’époque à changée mais elle tout aussi violente qu’avant, elle est plus vile et décomplexée, mes enfants sont métis aussi et elles auront droit à leur quota d’insultes raciste, elle ne comprennent pas encore tout ça elles sont trop petites, je saisi bien maintenant le fameux : « profites en bien, petits : petits soucis »
bref j’me relis la et c’est un peu dark tout ça lol mais ça me fait aussi un peu de bien de vomir ces anecdotes car je le fais jamais, c’est plus facile de faire le mec cool fêtard qui a jamais de problème mais la réalité c’est qu’on a tous besoin d’en parler et faut pas en avoir honte 🙂
Merci pour ton commentaire, ça me touche beaucoup que tu m’aies partagé cela. On en reparlera ensemble en privé je pense.