Je fais souvent travailler les acteurs sur des monologues très courts avec une ou deux idées dedans, l’objectif étant de faire passer une émotion bien précise et travailler soit l’intention de la voix, soit l’expression corporelle.
Pitch 1 : Une personne déclare sa flamme à une autre personne
Pitch 2 : Une personne réconforte une autre personne avec des mots justes
Pitch 3 : Un accusé de meurtre se défends en reportant la faute sur un chat
Premier texte : Une nuit avec toi
Assez peu satisfait de l’écriture de ce texte au départ, j’avais quand même envie de le faire jouer à mes acteurs. Forcément ils m’ont posé la question de savoir comment le jouer et je leur ai demandé comment eux voyait le texte. J’ai été agréablement surpris car ils m’ont tous proposés des jeux différents mais intéressant : langoureux murmurant, un adolescent timide qui répète des phrases de dragues apprises dans un livre, à la manière d’un Roméo et Juliette, à la flamenco mexicain surjoué. Autant de possibilités que j’ai pris plaisir à explorer avec eux et qui au final en font un texte que j’apprécie beaucoup à présent.
J’ai quelque chose à te demander ce soir. Si tu me dis non, j’y renoncerais pour toujours. Je voulais que tu saches que je n’ai pas envie de regretter quelque chose ce soir. Je n’ai pas envie de rentrer chez moi maintenant.
Tu es la chose la plus proche du paradis que je connaisse. Cela fait tellement longtemps que je n’avais pas goûté à ce sentiment et ce soir je veux que ce soit le moment, celui où je peux respirer la vie à plein poumon, le vivre pleinement loin de tout. Avant que tôt ou tard, ce soit fini.
Je veux juste que tu saches que j’ai envie d’être avec toi : Laisse-moi te raccompagner et passez la nuit avec toi.
Deuxième texte : Les marginaux
J’ai pris beaucoup de plaisir à écrire ce texte et pas mal de gens m’ont dit que la phrase de fin rendait le texte fort. Il peut être joué de deux manières différentes et radicalement opposé : plutôt comme un psy conciliant ou à l’inverse comme un militant révolté voir un gourou de secte. Les gens à qui j’ai donné ce texte l’ont trouvé fort mais assez peu on eu le courage de le jouer.
Si toi aussi tu te sens maltraité, rejeté ou trompé, sache que tu n’es pas seul. Tant que tu auras de l’air dans tes poumons et que tu pourras dire des choses, personne ne devrait pouvoir te faire taire, personne ne devrait pouvoir contester ton droit de vivre.
Nous sommes les exclus, les marginaux, les « autres » comme ils aiment à nous appeler. Ils peuvent nous maltraiter ou nous stigmatiser mais ils ne peuvent pas nous cacher et nous empêcher de nous retrouver. Maintenant, garde la tête haute, nous continuerons à nous battre pour exister, nous ne les laisserons pas nous abattre ni nous épuiser car nous ne sommes pas seuls.
La normalité ce n’est pas la norme, c’est juste un uniforme qu’on enfile pour se fonde dans la masse. Aussi oublie les normes et enlève ton uniforme : c’est en étant toi-même que tu es magnifique.
Troisième texte : Ce chat maudit
Cette histoire drôle est un vrai drame. Pour moi l’intérêt du texte c’est de jouer la gravité de la scène et l’absurdité de sa plaidoirie qui pourtant est logique. Un très bon texte pour explorer et tenir un personnage calme, froid mais apeuré par la sanction. Il est un peu difficile à appréhender mais je suis certain qu’il peut faire une scène soit drôle soit poignante.
Monsieur le juge, je vous demanderai un peu d’indulgence. Oui je sais je suis un vaurien mais je n’aurais jamais fait tout ça s’il n’y avait pas eu ce chat maudit.
Attendez, laissez-moi m’expliquer. J’avais repéré ce richos depuis un moment et vérifié ses habitudes. Un soir je me suis introduit dans sa maison et pendant qu’il dormait profondément j’ai commencé à fouiller ses affaires. Quand je suis arrivé dans la salle de bain pour chercher des bijoux, j’ai entendu du bruit dans la chambre alors je m’y suis rendu et le gars n’était plus dans son lit.
J’étais paniqué et j’ai entendu ce maudit chat miauler, j’ai eu tellement peur, ça m’a fait sursauter. Je vous jure monsieur le juge ça glace le sang quand ça rompt le silence. C’est à ce moment-là que le gros m’a sauté dessus. Je me suis débattu comme j’ai pu et ce chat miaulait de plus en plus fort. Je ne sais pas pourquoi mais je suis devenu fou et j’ai serré son cou de plus en plus fort, comme pour le faire taire lui et son crétin de chat. Quand le chat a cessé de miauler, le gros ne respirait plus non plus.
Je vous le jure monsieur le juge, s’il n’y avait pas eu de chat ce soir-là et, on n’en serait pas là aujourd’hui.